Obtention par le cinquième Dalaï-Lama du pouvoir sur le Tibet

Tout comme les édifices historiques disparaissent à cause des développements modernes, il en va de même pour les récits sur l'origine de Trodé Khangsar. Une brève chronologie et un rappel de l'identité des principaux intervenants devraient permettre de mieux comprendre les événements qui ont conduit à la création du Trodé Khangsar. Le Cinquième Dalaï-Lama, Ngawang Lobsang Gyatso (1617-1682), a été le premier Dalaï-Lama à avoir détenu un pouvoir temporel au Tibet. Plus tôt dans la vie du Cinquième Dalaï-Lama, l'éphémère empire voisin du Tsang (gtsang) exerça son contrôle sur le Tibet central (dbus) et entra en conflit avec les affaires de la secte Géloug dans les deux régions (AOK, 32-39).

Parce que le Quatrième Dalaï-Lama, Yonten Gyatso, avait été mongol, les Mongols en étaient venus à révérer ses incarnations. Sonam Rabten, qui était l'« associé »7 du Cinquième Dalaï-Lama depuis sa reconnaissance alors que ce dernier était un enfant (FDL, 256), demanda l'aide des Mongols Qoshot pour l'appuyer dans la lutte qui l'opposait à l'empire Tsang (HPP, 447). C'est dans ce contexte que le chef mongol Goushri Khan vint au Tibet pour combattre le roi du Tsang, Karma Tenkyong Wangpo (kar ma bstan skyong dbang po), qu'il renversa en 1642.

Goushri Khana, qui ne garda que le titre de « Roi du Tibet », transféra le pouvoir effectif au Cinquième Dalaï-Lama et lui affecta divers gouverneurs8 (sde sri) (HPP, 448). La reconnaissance de la souveraineté du Cinquième Dalaï-Lama fut officialisée au cours de la visite que ce dernier effectua en Chine en 16529 (FDL, 263). D'autres campagnes militaires furent menées vers l'est dans le Kham et vers l'ouest où il prit le contrôle de Ngari des mains du Ladakh (TGF, 13). De tout ceci résulta que les provinces du Tibet central, du Kham, du Tsang et de l'Amdo passèrent sous le contrôle du gouvernement tibétain nouvellement créé, ce dernier ayant pris le nom de Ganden Phodrang et ayant été placé sous l'autorité du Dalaï-Lama.


7 Le terme « associé » est utilisé à cause du grand nombre de rôles qu'il était appelé à jouer dans sa relation avec le Dalaï-Lama et le gouvernement tibétain, le Ganden Phodrang. La traduction par Ahmad de la biographie du Cinquième Dalaï-Lama écrite par Dési Sangyé Gyatso note que Sonam Tcheupel, qu'on nomme également Sonam Rabten, était présent lorsque le Dalaï-Lama était venu pour la première fois à Drépung alors qu'il n'avait que 6 ans. Ayant été également le trésorier du Quatrième Dalaï-Lama vieillissant, Yonten Gyatso, Sonam Cheupel fut naturellement impliqué dans la reconnaissance de son successeur.

8 Selon Richardson, Goushri Khan et ses descendants conservèrent le titre de « Roi du Tibet » en tant que protecteurs armés du Dalaï-Lama. Le rôle du Dalaï-Lama devait être celui d'un chef spirituel assisté par divers gouverneurs (sde sris) chargés de l'administration des affaires de l'État. Il semble que ces différents rôles ne furent jamais clairement définis de sorte que c'est probablement la raison pour laquelle Koshot Lhazang Khan, un descendant de Goushri Khan, réinstaura, 50 ans plus tard, le contrôle des Mongols Qoshot sur le Tibet après avoir renversé et tué Dési Sangyé Gyatso.

9 Il s'agit, est-il besoin de le dire, d'une interprétation d'un événement dont la signification est problématique. Sa signification est amenuisée par ceux qui prétendent que le Tibet est indépendant de la Chine. Par ailleurs, cet événement a officialisé la prise du pouvoir par le Dalaï-Lama.